Traiter l’HTA modérée pendant la grossesse

Par
Publié le 20/05/2022
Article réservé aux abonnés
L’hypertension artérielle (HTA) majore le risque de complications maternelles et fœtales. Si une prise en charge thérapeutique des formes sévères est recommandée, le rapport bénéfice/risque d’un traitement de l’HTA modérée restait controversé. Mais les recommandations pourraient changer suite à l’étude CHAP, qui montre que le traitement de l’HTA modérée diminue les complications obstétricales sans effet délétère pour la mère ou l’enfant (1).
Une augmentation du risque de complications maternelles et fœtales en cas d'HTA

Une augmentation du risque de complications maternelles et fœtales en cas d'HTA
Crédit photo : phanie

L’HTA chronique concerne de plus en plus de femmes enceintes, en raison de l’augmentation de l’âge et de l’obésité au cours de la grossesse. Aux États-Unis, l’obésité est particulièrement présente : elle concerne plus de 2 % des grossesses et affecte les Afro-Américaines de façon disproportionnée.

L’HTA augmente le risque de complications maternelles et fœtales (décès, prééclampsie, retard de croissance, prématurité, comorbidités cardiovasculaires). Les dernières recommandations américaines préconisent de traiter les HTA sévères (≥ 160/110 mmHg). Mais concernant les HTA modérées (comprises entre 140/90 et 159/109 mmHg), il n’existe aucun consensus sur le bénéfice et la tolérance des antihypertenseurs pour la mère et l’enfant. Les Européens sont plus stricts puisque le traitement antihypertenseur est indiqué si la pression artérielle (PA) systolique/diastolique (PAS/PAD) est ≥ 150/95 mmHg, ou ≥ 140/90 mmHg en cas d’HTA gestationnelle, d’HTA préexistante ou d’atteinte infraclinique d’un organe. 

Quel seuil de pression artérielle retenir ?

L’objectif de l’étude multicentrique Chronic Hypertension and Pregnancy(CHAP), menée en ouvert, était de vérifier si ramener la PA en dessous de 140/90 en cas d’HTA chronique non sévère permettait de réduire les complications associées, sans majorer le risque de petite taille pour l’âge gestationnel.

Les femmes ont été incluses avant 23 semaines de gestation, avec HTA préexistante ou non (PAS entre 140 et 159 ou PAD entre 90 et 104, sans traitement ou recevant une monothérapie). Par contre, ont été exclues les grossesses multiples, les HTA sévères, les comorbidités à haut risque et la dysfonction rénale liée à l’HTA. À l’inclusion, 44 % des patientes (75 % en fin de grossesse) prenaient de l’aspirine, recommandée en cas de risque modéré ou élevé de prééclampsie.

Dans le bras actif visant une PA inférieure à 140/90, les traitements privilégiés étaient le labétalol ou la nifédipine, avec titration ou passage à une bithérapie si nécessaire. Le risque de prééclampsie devait être dans ce cas évalué, une baisse tensionnelle trop importante pouvant la favoriser. Dans le bras contrôle, les antihypertenseurs étaient prescrits si la PA devenait ≥ 160/105.

Chez les 2 408 parturientes, la moitié des HTA étaient connues et traitées, mais plus de 20 % des patientes n’étaient pas sous traitement malgré une HTA diagnostiquée. Les participantes étaient pour plus de 50 % afro-américaines, pour 16 % diabétiques, et leur IMC moyen était de 37.

Au cours de l’étude, la PAS/PAD moyenne a diminué davantage dans le groupe actif (129,5/79,1) que dans le bras contrôle (132,6/81,5). 

Moins d’éclampsies sévères et de prématurité

Le critère principal comprenait : prééclampsie sévère, indication médicale pour un accouchement avant la 35e semaine de gestation, décollement placentaire, décès in utero ou néonatal. Il a été significativement réduit de 18 % dans le groupe traité (30,2 % d’évènements versus 37 %, p < 0,001). Traiter 14,7 femmes suffit à empêcher un évènement. Cette réduction était essentiellement liée à la diminution significative de 20 % du nombre d’éclampsies sévères et de 27 % des accouchements prématurés.

La tolérance du traitement antihypertenseur était évaluée en fonction du nombre de PA gestationnelle, qui n’était pas significativement modifié.

Les autres complications maternelles (prééclampsie, aggravation de l’HTA, défaillance d’un organe…) tendaient à être diminuées, mais de façon non significative. Pour les complications néonatales, on observait également une baisse de la morbidité, des accouchements prématurés (de 13 %) et moins de nouveau-nés de petits poids à la naissance (de 17 %), mais non significativement.

« Traiter l’HTA chronique pendant la grossesse, dès qu’elle dépasse 140/90, diminue de façon significative les complications, sans altération de la croissance fœtale, ni aucune conséquence délétère chez la mère ou l’enfant, insiste le Pr Alan Tita (Alabama, États-Unis). Ce qui devrait nous inciter à prendre en charge l’HTA chronique modérée chez la femme enceinte ».  

(1) Tita A T et al, N Engl J Med. 2022 Apr 2. doi: 10.1056/NEJMoa2201295

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin