Cœur et Covid-19 : les liens se précisent

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Publié le 04/03/2022

Le registre mis en place à l’initiative du Collège des cardiologues en formation (CCF), avec le soutien de la Société française de cardiologie (SFC), a permis de colliger les données de près de 3 000 patients hospitalisés en raison du Covid-19, au cours de la première vague. Les résultats font l’objet d’une douzaine de publications, riches d’enseignements.

Chez les plus de 45 ans, le Covid-19 était sévère dans 30 % des cas

Chez les plus de 45 ans, le Covid-19 était sévère dans 30 % des cas
Crédit photo : phanie

Entre le 26 février et le 20 avril 2020, 2 878 patients hospitalisés dans 24 hôpitaux français ont été intégrés dans le registre mis en place par le CCF. Il s’agissait majoritairement d’hommes, âgés en moyenne de 67 ans. La moitié des cas présentaient une hypertension artérielle et un tiers une obésité. De plus, un tiers recevaient des bloqueurs du système rénine angiotensine. La mortalité intra-hospitalière a été de 12,5 % (dont 20 % de patients transférés en unité de soins intensifs). Ce travail a souligné le lourd impact des facteurs de risque cardiovasculaires et des comorbidités (maladie coronaire, insuffisance cardiaque) sur le pronostic. Un état septique sévère et un taux élevé de BNP étaient associés au risque de décès le plus élevé.

Un score prédictif du risque de morbimortalité intra-hospitalière a été élaboré, prenant en compte 12 variables. Parmi celles-ci, le degré d’atteinte du parenchyme pulmonaire jouait un rôle prépondérant, écrasant tous les autres paramètres.

La réalisation d’un angioscanner chez 1 240 patients consécutifs a permis de retrouver un taux d’embolie pulmonaire (EP) de 8,3 %. Les facteurs de risque classiques d’EP n’étaient pas associés à ce surrisque, à l’inverse du degré d’inflammation et de la présence d’une coagulopathie. Un traitement anticoagulant antérieur à dose thérapeutique jouait un rôle protecteur. Le taux de D-dimères à l’admission (supérieur ou inférieur à 1 128 ng/dl) avait un rôle pronostique, point largement confirmé par différents travaux.

Moins de femmes transférées aux urgences

En moyenne plus âgées (68 ans), les femmes représentaient 42 % de la cohorte. Chez elles, l’impact des maladies cardiovasculaires sur la mortalité hospitalière était important, mais sans différence par rapport aux hommes. En revanche, le taux de transfert en unités de soins intensifs a été moindre (13,3 % versus 23,5 %).

L’âge joue un rôle pronostique majeur. Avant l’âge de 45 ans (11,2 % de la cohorte), le Covid-19 a été étiqueté non sévère chez 83,2 % des patients et sévère dans 16,8 % des cas. Ces taux étaient respectivement de 69,3 % et 30,7 % chez les plus de 45 ans. Les patients de moins de 45 ans présentaient globalement moins de facteurs de risque cardiovasculaire, exception faite de l’obésité. Leur profil de complications était un peu différent, avec plus d’événements inflammatoires (myocardite, péricardite) et moins d’insuffisance cardiaque (IC) aiguë. Les taux de complications thrombotiques (syndrome coronaire aigu, accident vasculaire cérébral, EP) étaient en revanche comparable à ceux rapportés dans la population de plus de 45 ans.

L’effet délétère de l’insuffisance cardiaque

Comme dans d’autres études, le rôle délétère des antécédents d’IC (11,3 % des patients) a été retrouvé dans cette cohorte, avec un impact particulièrement péjoratif de l’IC à fraction d’éjection préservée. Par contre, le diabète n’est pas apparu comme un facteur de mauvais pronostic.  

La prévalence de la fibrillation atriale (FA) était de 8 %, plus élevée chez les sujets âgés, moindre chez les femmes. Les patients avec FA étaient plus souvent hypertendus, diabétiques et présentaient plus fréquemment une maladie coronaire ou une IC. La présence d’une FA était associée à un risque accru de décès à l’hôpital (OR = 3,52) et de mortalité à 30 jours (OR = 7,34).

Des dégâts collatéraux

Enfin, l’épidémie de Covid-19 a eu des conséquences importantes pour les patients souffrant de syndrome coronaire aigu avec sus-élévation du segment ST. Durant la première vague (1er mars au 31 mai 2020), le taux d’admissions pour infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (STEMI) a été réduit de 13,9 % par semaine, comparativement à la même période de 2019. Le délai entre le début des symptômes et le premier contact médical s’est allongé (150 mn versus 121 mn), tout comme celui entre ces symptômes initiaux et l’angioplastie (270 mn versus 245 mn). Les complications mécaniques ont quasiment doublé (1,7 % versus 0,9 %), se traduisant par un moins bon pronostic.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin