La rythmologie en pleine mutation

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Publié le 04/03/2022

De grandes évolutions ont récemment marquées la rythmologie : recommandations sur la stimulation et la resynchronisation, avancées dans la fibrillation atriale (FA), développement de l’intelligence artificielle (IA)… Décryptage de ces avancées avec le Pr Jean-Claude Deharo (Marseille), membre du Comité d’organisation des JESFC 2022.

Les patients porteurs d’un stimulateur peuvent dorénavant faire une IRM

Les patients porteurs d’un stimulateur peuvent dorénavant faire une IRM
Crédit photo : phanie

La dernière version datant de 2013, les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie sur la stimulation et la resynchronisation sont riches de nombreuses innovations. On relève notamment la nouvelle place donnée à la génétique et à l’imagerie en coupes (IRM en particulier) chez les sujets jeunes ayant un trouble de la conduction. Cette approche vise à rechercher une éventuelle cause génétique ou structurelle à la dégénérescence des voies de conduction, pathologique avant l’âge de 50 ou 60 ans.

Deux techniques novatrices

Les recommandations mettent aussi en avant deux nouvelles techniques. La première est la stimulation hissienne, qui commence à entrer dans la pratique, mais ne bénéficie pas encore d’une évaluation dans de grandes études. « Elle n’a donc pratiquement pas d’indication élective et se trouve pour l’instant surtout proposée après échec de la resynchronisation, précise le Pr Deharo. La stimulation sans sonde est une autre innovation, qui marque une rupture dans nos pratiques, car elle n’existait pas dans les recommandations de 2013 ». Il s’agit d’une technique intéressante, mais les études randomisées font aussi défaut. Elle a donc aujourd’hui surtout une place dans des situations n’autorisant pas la pose d’un stimulateur conventionnel : difficulté d’accès veineux, risque infectieux particulièrement élevé (comme en cas d’antécédents d’infection ou chez un patient dialysé). Les indications électives ne bénéficiant que d’une recommandation de classe IIb.

Un autre apport de ces nouvelles recommandations concerne la très grande majorité de patients porteurs d’un stimulateur, qui peuvent dorénavant avoir une IRM, y compris en cas de dispositif dit « non compatible ».

De plus, le suivi des patients peut se faire sans risque à distance, ce qui permet d’espacer les consultations en présentiel, par exemple tous les deux ans en cas de stimulation conventionnelle. Enfin, plus encore que dans les recommandations précédentes, les experts ont insisté sur le rôle potentiellement délétère de la stimulation permanente du ventricule droit chez les patients ayant déjà une dysfonction ventriculaire gauche. Il s’agit donc de candidats à une resynchronisation d’emblée, ou dans certaines conditions à une stimulation hissienne.

Fibrillation atriale : dépistage et anticoagulation

La recherche d’une FA, trouble du rythme le plus fréquent, est de mieux en mieux codifiée chez les patients ayant fait un accident vasculaire cérébral (AVC) non expliqué. Stratégie la plus documentée, la mise en place d’un moniteur ECG implantable reste la référence. Quant à la question de l’anticoagulation (ou non) dans la FA silencieuse, elle n’a toujours pas été tranchée malgré les deux études publiées l’année dernière : STOP-AF et LOOP. La première a montré que le dépistage de la FA, par la réalisation d’un électrocardiogramme (ECG) deux fois par jour pendant 15 jours, permettait de dépister plus d’épisodes qu’une stratégie conventionnelle. D’autre part, elle a révélé que le traitement par anticoagulants de ces patients (75 ans exactement, CHA2DS2-VASC ≥ 2) réduisait le risque d’AVC, de décès et d’hémorragie sévère. Ces bénéfices n’étaient pas retrouvés dans la deuxième étude (LOOP), qui avait comparé la pose d’un moniteur ECG implantable, ou non, chez des patients âgés de 74 ans en moyenne. Une des explications à ces résultats apparemment contradictoires découle sans doute de la méthode de dépistage de la FA, plus sensible et s’adressant à des épisodes plus courts avec le moniteur ECG. Par ailleurs, concernant la FA silencieuse découverte dans les mémoires des stimulateurs et défibrillateurs, l’indication ou non à une anticoagulation se fait toujours au cas par cas, en tenant compte des épisodes prolongés et du risque ischémique du patient.

En matière d’anticoagulation chez les sujets très âgés (plus de 85 ans), l’étude SAFIR a démontré le double bénéfice des anticoagulants oraux directs comparativement aux antivitamines K, sur le risque d’AVC ischémique et le nombre de saignements. Dans cette population, trois paramètres (synthétisés dans le score A3C) doivent inciter à la prudence : l’âge, l’albuminémie et l’anémie.

L’essor de l’intelligence artificielle

L’IA bénéficie d’un rôle croissant en rythmologie. Elle aide à manipuler l’information issue des objets connectés (par exemple en pré-interprétant les ECG), à réaliser certains gestes (grâce à l’interprétation des signaux endocavitaires) et à suivre les patients. Par l’intégration de différents paramètres, elle permet aussi de mieux anticiper la survenue de certains événements, comme les poussées d’insuffisance cardiaque.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin