Il faudrait réduire de moitié la consommation de viande

Végétaliser, oui mais comment ?

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Publié le 23/02/2024
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Santé, environnement : tout plaide pour en finir avec le standard d’une viande à chaque repas. Mais pour que végétaliser l’alimentation ne reste pas un vœu pieux, il faut agir et lever les points de blocage.

À la cantine, les repas sans viande couvrent tout aussi bien les besoins nutritionnels

À la cantine, les repas sans viande couvrent tout aussi bien les besoins nutritionnels

« La végétalisation des repas étant l’un des leviers majeurs de réduction des émissions des gaz à effet de serre, il faudrait réduire de 50 % la consommation de viande, a rappelé Nicole Darmon (Inrae, Montpellier), lors des Journées francophones de nutrition (JFN) en décembre 2023 à Marseille, mettant en avant que cela permet de réduire l’impact carbone de l’alimentation de 35 %, d’atteindre l’adéquation nutritionnelle et même de diminuer le coût des repas. »

« Viande, œuf, poisson : une fois par jour, c’est suffisant, sous réserve de végétaliser intelligemment, avec 500 grammes de fruits et légumes par jour, une petite portion de légumineuses tous les jours, des fruits à coques, et deux petites poignées de céréales complètes ou semi-complètes au quotidien », préconise la chercheuse.

- 35 % de CO2

la seule diminution de moitié la consommation de viande est un levier écologique puissant

Un débat biaisé

En France, les végétariens ou assimilés restent très minoritaires. « Dans une enquête de France AgriMer de 2019, on retrouvait 2,2 % de végétariens, végétaliens, ou lacto-pesco-végétariens, pour 24 % de flexitariens (végétariens qui s’autorisent à manger de la viande de temps en temps). Dans d’autres enquêtes menées à Dijon en 2022, il a été retrouvé 8 % de végétariens ou assimilés et 24 % de flexitariens chez des étudiants, pour 5 % de végétariens ou assimilés et 38 % de flexitariens parmi les parents répondant à une enquête sur la restauration scolaire », rapporte Sophie Nicklaus (Inrae, Dijon).

La persistance d’idées reçues reste un des freins à la végétalisation des repas. Au premier rang desquelles l’idée qu’un repas végétarien serait forcément carencé alors, qu’en restauration scolaire et avec des règles d’élaboration des menus respectées, le taux de couverture en 23 nutriments essentiels est équivalent avec celui d’un repas non végétarien si l’enfant consomme l’ensemble du repas (entrée, plat principal, produit laitier, dessert et pain). « Dire que les repas végétariens ne seraient pas bons pour les enfants est surtout un argument pour refuser le changement ! », insiste Sophie Nicklaus. Pour dédramatiser, elle préconise de parler de menu « sans viande », plutôt que « végétarien ».

Des leviers actionnables

Pour les consommateurs de viande, une diminution est le levier le plus efficace pour aller vers une alimentation plus saine et plus durable.

Les modes de production différents, comme l’agriculture biologique, sont aussi intéressants pour l’environnement et, dans une moindre mesure, pour la santé (des études observationnelles montrent une association entre alimentation bio et un moindre risque de cancer), cependant la typologie agricole n’affecte pas l’empreinte carbone de l’aliment — calculée selon l’équivalent carbone nécessaire pour la production du champ à l’assiette, fournie par la base de données de l’Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie (Ademe)*. Autre levier d’action possible : rechercher les modes de transformation qui utilisent moins d’énergie.

Dans l’immédiat, les agronomes mettent en avant les opportunités à changer les comportements chez les jeunes enfants, via la promotion de l’éducation alimentaire. « Depuis que des menus végétariens sont proposés à l’école, les enfants ne s’attendent plus à avoir systématiquement de la viande à tous les repas et cela change les normes sociales sur ce qu’est un repas, explique Sophie Nicklaus, qui a mené un travail avec le Crous de Dijon, lequel sert 2 000 repas par jour. Nous leur avons demandé de passer de 25 à 50 % de plats végétariens, à la suite de quoi nous avons observé un doublement du taux de choix de ces plats. C’est un levier majeur : rendre le végétarien plus disponible augmente la consommation. Il faudrait pouvoir agir à ce niveau, notamment dans la restauration collective privée. »

« Pour aller plus loin, il faudrait des cours de cuisine à l’école, expliquer ce qu’est un œuf, du lait, un aliment pas transformé, apprendre à les peser, etc., car faire est essentiel, insiste Sophie Nicklaus. Avoir la possibilité de faire goûter un maximum d’aliments aux élèves, leur expliquer d’où ça vient, comment ça pousse, l’origine de ce qu’il y a dans leur assiette, pour les reconnecter à la production afin de forger leurs bases de futur consommateur. »

Et pour demain ?

Les alternatives aux végétaux représentent une autre piste, qui n’est pas encore mature du moins en alimentation humaine. Que ce soient des levures, des champignons filamenteux, des bactéries, ou des microalgues, les organismes unicellulaires (POU) peuvent fournir une alternative durable aux protéines animales. « Ils ne mobilisent pas de surfaces agricoles, ne sont pas affectés par les saisons et sont particulièrement riches en protéines, a expliqué Juliane Calvez (Inrae, Paris Saclay), lors des JFN. Cependant, ils contiennent trop d’acides nucléiques d’où un risque d’accumulation d’acide urique et leur digestibilité reste moyenne. » Ces barrières pourraient être levées dans le futur, en optimisant les processus de post-traitement. « Il reste enfin les questions de l’acceptabilité par le consommateur, de la réglementation et des conséquences des processus, qui restent à évaluer », souligne la chercheuse.

* www.agribalyse.fr


Source : Le Quotidien du Médecin