L’hyperactivité ou plus précisément le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) fait partie de ces pathologies médiatisées qui suscitent des débats même parmi les spécialistes.
À la demande de familles de patients* soutenues par plusieurs sociétés savantes et répondant aussi à une saisine de la Direction générale de la santé (DG), la Haute Autorité de Santé (HAS) a ouvert le chantier des recommandations.
Désaccords théoriques
Comment réagir face à une suspicion de TDAH en médecine de premier recours ? Telle est la question à laquelle le groupe de travail de l’HAS a tenté de répondre. « Le but de ces recommandations est de sensibiliser les médecins, pédiatres, et autres professionnels à l’hyperactivité, aux troubles du comportement, et surtout, aux troubles de l’attention », rapporte le Dr Jean Chambry, pédopsychiatre, co-président du groupe de travail en charge des recommandations. Pour cela, un groupe de travail a été mis en place dont la particularité était d’associer des associations de patients et des professionnels de toutes disciplines (médecins, psychologues, orthophonistes, etc.), mais aussi de courants théoriques différents. Avec le risque de multiples désaccords : « Prenez un psychanalyste et un cognitiviste : le premier considère que l’hyperactivité n’existe pas ; le second ne jure que par le méthylphénidate », ironise le Dr Chambry.
Sortir des a priori éducatifs
Malgré la difficulté manifeste à s’accorder, le groupe est parvenu à finaliser ce mois-ci de nouvelles recommandations dont la publication est prévue en janvier 2015. Conçue en deux volets, l’un sur la conduite à tenir, le second sur les différents types de prises en charge à disposition des familles. Le tout sans prise de position sur les différents courants existants. L’exploit de la neutralité objective aurait-il réussi ? Le Dr Jean Chambry en semble convaincu : « Même si nous avons utilisé le DSM comme base pour la grille diagnostique, nous sommes restés assez neutres sur la conduite à tenir. » Celle-ci s’articule autour de trois points principaux. Le premier : Explorer. Le pédopsychiatre précise : « Face à un trouble du comportement, il ne faut pas s’arrêter sur des a priori éducatifs, mais aller au-delà en recherchant d’autres problématiques ». Maltraitance, souffrance de l’enfant, difficultés scolaires, sont autant de domaines qu’il importe d’investiguer pour appréhender la situation dans sa globalité. Deuxième message à faire passer : le diagnostic et le projet thérapeutique ne peuvent qu’être posés par le spécialiste, ce dernier étant l’interlocuteur avec lequel le médecin de premier recours devra s’articuler tout au long du suivi de l’enfant.
Prendre plus de temps
Enfin, ces nouvelles recommandations insisteront sur le caractère non systématique de la prescription de méthylphénidate. Comme le confirme le Dr Jean Chambry, « le méthylphénidate n’est pas un traitement de première intention ». Une place importante est ainsi donnée au soutien de la famille, à l’abord psychothérapeutique de l’enfant, et enfin, aux aides rééducatives. Le bémol de ces recommandations ? « En gros, on demande au médecin de passer plus de temps avec le patient et sa famille », résume le co-président du groupe de travail. Et pour cause, ces recommandations incitent ostensiblement le praticien à étaler l’évaluation sur plusieurs consultations. Prendre le temps, voir l’enfant avec et sans ses parents, évaluer la problématique en profondeur, etc. De quoi dépasser largement le créneau de consultation habituel d’un quart d’heure.
*L’association: HyperSupers TDAH France soutenue par la Société française de neurologie pédiatrique (SFNP), la société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et des disciplines associées (SFPEADA) et la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS).
Article précédent
Une bonne idée qui a mal tourné
Mesurer et peser l’enfant à chaque consultation
L’e-cigarette pourrait favoriser l’addiction aux drogues
Un outil pour rattraper les 13 millions de bébés non repérés par an dans le monde
Bientôt des outils pour mieux les repérer
3,6,9,12 : les conseils doivent être adaptés en fonction de l’âge
La tétine peut être utile jusqu’à un an
Cale-bébés : attention, danger
L’intérêt de l’Ultralevure confirmé
Allergies respiratoires : de plus en plus fréquentes
Prévenir ou traiter les crises d’asthme
Contrôler ou canaliser les troubles en attendant leur disparition
Le goûter a toute sa place
Une bonne idée qui a mal tourné
La HAS signe un accord de paix
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?