Loi de santé : les médecins libéraux entre malaise et colère

Publié le 10/07/2014
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Crédit photo : S. Toubon

La phase de concertation (juin/juillet) autour de la loi de santé de Marisol Touraine, pilotée par les directeurs d’administration centrale du ministère de la Santé (DGOS, DSS...), n’a pas convaincu les praticiens libéraux, loin s’en faut, qui oscillent entre abattement et exaspération.

La méthode, d’abord, ne passe pas. « On se fiche de nous, résume au « Quotidien » le Dr Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Ce sont des discussions sans intérêt dignes du café du commerce sur des orientations. On est très très loin du texte de loi ».

Dans la même veine, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), affiche son agacement. « Il n’est pas possible de continuer à discuter sur un "powerpoint" général, on est dans l’impressionnisme ! Je peux comprendre que certains points durs de la loi ne soient pas arbitrés mais il faut une trame de texte ».

Joint également ce jeudi, le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), dénonce « une bouillie informe... sauf si le plan est de détruire la médecine libérale ». Moins critique, le Dr Claude Leicher, président de MG France, juge la méthode de concertation du ministère « normale car elle s’accompagne d’autres contacts directs informels », même si lui aussi attend les textes.

Épines

Sur le fond ensuite, les syndicats estiment qu’il est difficile de se prononcer sur la plupart des sujets dès lors que les éléments clés ne sont pas explicités noir sur blanc. Mais plusieurs sujets de crispation sont apparus.

L’avenir de la convention médicale nationale est source de vive inquiétude syndicale. La CSMF en particulier récuse tout « démantèlement » de la convention sous couvert de territorialisation. « Les transferts de compétences vers les ARS, c’est non », résume le Dr Ortiz, pas opposé à une déclinaison régionale du cadre conventionnel. « Il ne peut pas y voir de négociation régionale aux mains des ARS », analyse aussi le Dr Leicher.

Autre point très sensible : les conditions des futures « pratiques avancées en soins » pour les professions paramédicales (infirmier clinicien notamment), inscrites dans la loi. Plusieurs syndicats se sont alarmés du risque de dépossession du médecin de ses missions (en cancérologie, dans la prise en charge du diabète...).

« Telles que les choses sont présentées, on prend une partie de l’activité du généraliste pour la transférer, ce n’est pas ça la coopération », relève le Dr Rua (SML). En cancérologie, « le ministère veut squizzer le médecin de premier recours avec l’infirmière », redoute le Dr Hamon. « Le risque, complète le Dr Leicher (MG France), c’est que l’hôpital se projette lui-même dans les différentes spécialités et dépossède les équipes de proximité de leurs missions ». La question des vaccins (rôle des sages femmes et des pharmaciens) déjà abordée plusieurs fois dans ces réunions, reste un sujet explosif. « Qui organise ? Qui surveille ? Quel sera le retour d’information au médecin traitant ? », s’inquiète le Dr Leicher.

Le DPC en faillite ?

Les représentants de la profession ont également souligné l’urgence de traiter le dossier du développement professionnel continu, en situation de quasi-faillite dès la rentrée. Pour l’instant, le ministère de la Santé propose une énième concertation à l’automne pour redéfinir le DPC (contenu, obligations). « Mais la mort du DPC, c’est maintenant », prévient le Dr Rua. « En octobre 2014, le chèque DPC sera un chèque sans provisions », précise le Dr Leicher.

Enfin, les syndicats de spécialistes affirment n’avoir obtenu aucune garantie sur l’avenir du secteur II dans le cadre du nouveau « service public hospitalier rénové » qui s’accompagnera d’un bloc d’obligations à respecter par les établissements dont la prise en charge sans dépassements d’honoraires. « Ce point est extrêmement inquiétant, la FHP a eu raison d’alerter », déclare le Dr Hamon. « Nous n’avons pas de réponse claire. Ils sont en train de définir un service public hospitalier qui risque, de fait, d’exclure les cliniques », analyse Jean-Paul Ortiz (CSMF).

D’autres objections syndicales portent sur la réforme des études médicales. Les syndicats redoutent qu’au-delà des mots le ministère de la Santé ne se donne pas les moyens de développer massivement les stages en cabinet libéral.

Tout n’est pas noir pour autant. Les syndicats s’accordent sur l’utilité du numéro unique de permanence des soins ambulatoires. L’extension du parcours de soins coordonnés aux enfants de moins de 16 ans fait son chemin également, même si les moyens restent à définir.

Le projet de loi santé est loin de faire l’unanimité mais il poursuit son petit bonhomme de chemin. De source syndicale, le texte pourrait être transmis au conseil d’État dès le 21 juillet.

Cyrille Dupuis

Source : lequotidiendumedecin.fr
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